Quelque peu méconnu du public strictly hiphop c’est lui le poids lourd de cette tape.
Certains écrivent, lui il manie la plume.
Il emmène le rap dans d’autres sphères… Il propage notre art vers d’autres contrées, d’autres oreilles…
« Ma culture est métissée et j’ai grandi avec Brel et Piaf dans les esgourdes autant que j’ai surkiffé I am, Cypress ou Wu Tang. »
Il s’éloigne du faisceau actuel du rap, fièrement et à sa façon.
Avec de la musique accoustique il trace sa route – à l’aise – vers la chanson française.
Il s’appelle Syrano.
Lui, on le sort pas d’un chapeau magique! Et on a pas déboursé un centime pour qu’il viennent poser sur la tape…
Kin Chino est également son bassiste alors forcément c’est plus facile…
C’est un artiste complet, vous allez comprendre pourquoi.
Il est bien rodé aux interviews et maîtrise tout les médias…
Je crois en plus qu’il aime bien donner son avis…
Alors ne perdons pas de temps, soyons cash!
Syrano, déjà rien que parce que t’as posé avec François Hadji-Lazaro, je te respecte… Okay bway, vite fax… A l’attaque!
Ton âge syrano? Combien d’années que tu rappes? Que tu chantes?
Yeah! J’ai 31 ans et je rappe depuis 93, donc depuis 17 ans, bordel… Je suis vieux. Et le chant est arrivé quand j’ai réussi à l’assumer vers 2001. Je chantais déjà mais c’était pas encore très officiel.
Est-ce que tu peux me décrire ton univers steuplait?
Eh ben, ce que je fais est à mi-chemin entre le rap, la chanson à texte et diverses influences. Tout ce qui me passe par l’oreille a des chances d’être épongé et restitué dans une chanson. Même le cinéma ou la littérature m’inspirent.
Les Ogres de Barabak, Debout sur le Zinc, Les Têtes Raides…
Tu as ajouté ton nom à une longue liste de grands blases de la chanson française…
Question simple: ça te fait quoi?
Bah, ça me fait me rendre compte qu’on s’en fout des clivages culturels. Les mouvements musicaux sont TOUS sans exceptions inspirés par les mêmes souffrances, les mêmes contextes, les mêmes choses à exprimer et les mêmes innovations. Si j’avais grandit dans les années 70 j’aurais fait du punk!!!
Tu viens de Chartres? T’as grandi dans quel décor?
J’ai grandi dans un ilôt urbain perdu au milieu des champs de blés… Ca a été la région au plus fort taux de suicides pendant un moment, il y a un gros quartier. Un des plus gros de la région, La Madeleine. Misère sociale, promiscuité et précarité, n’excluent personne ici. D’autant qu’on est en proie à l’ennuie des villes bourgeoises et dortoirs. C’est assez déprimant comme trip. Ce plat pays qui est le mien. C’est le genre de ville qu’on hait autant qu’on l’aime… Ce n’est pas une fierté, juste un décor…
Je suis donc l’aîné d’une famille de 6 mômes et j’ai grandi entre les tours et la cathédrale.
Avant de faire que de la zik… tu t’orientais vers quoi?
J’ai toujours voulu faire ça mais autant que j’ai voulu devenir dessinateur. J’ai remporté le concours scolaire de la BD à Angoulême en 97 et je suis allé faire un début d’année de fac en histoire des arts. Ca m’a gavé et ça a coïncidé avec mes premiers concerts. Donc voilà… J’ai fait du son par passion et par hasard aussi.
Même ses pochettes, c’est lui qui les fait…
Qu’est-ce qui fait que toi, t’as percé?
Je ne considère pas vraiment avoir percé. Mais j’ai l’immense chance de vivre de ma musique. Alors j’imagine que ça vient du mélange entre l’écriture et les instruments trad. L’écriture est scandée mais plutôt littéraire et la musique est une ambiance acoustique. C’est le métissage qui rend la chose originale et qui se démarque peut-être…
Est-ce que le rap est ton avantage concurrentiel?
Je crois oui. Je ne suis pas un rappeur pour les rappeurs et pas un chanteur pour les chanteurs. Alors je suis un ovni…
Bang bang!
Il ya des choses très pertinentes dans « A gauche, à droite »…
Mais à propos de ta chanson, est-ce que tu crois pas que c’est dangereux de dire à gauche et à droite c’est pareil?
Je m’en fous! En fait, c’est l’expression d’un ras-le-bol. Droite et gauche…
A droite, on connaît l’envie traditionaliste et conservatrice des partis, mais à gauche, les mêmes « éléphants » tiennent la barre depuis 30 piges et une bonne gauche caviar s’est installée. Les socialos sortent des mêmes écoles que les gens de l’UMP, ils choisissent juste un camp pour faire carrière. Oui, c’est une généralité mais vu la grosseur des discours et la pauvreté des débats d’idées (qui sont pour moi des luttes politiciennes de stratégie plus que des idéologies animées), je me dis qu’ils méritent bien ça. Je ne crois plus en eux. Je ne vote plus… Et quand on me répond « Oui, mais tu ne peux pas dire que tu as brûlé ta carte électorale et gueuler, des gens sont morts pour ça! »… Ca me fait rigoler aujourd’hui! Qui irait mourir pour ses idées? Emmitouflés dans le confort d’un écran plasma et atomisé par la modernité… La lutte est morte il y a bien longtemps, et la révolte est un produit de consommation comme les autres. Je veux juste parler d’un essoufflement de valeurs importantes : la solidarité, l’humanité, la bonté, l’amour… Des choses qui disparaissent avec la crise mais qu’on utilise pour vendre du camembert ou émouvoir les ménagères sur TF1.
Justement, tu commences à avoir du poids…
Est-ce qu’au fond de toi t’aurais pas un peu envie d’éduquer les masses? D’ouvrir les yeuz à certains…
Ce n’est pas une envie d’éduquer mais une envie de dire pour ne pas mourir intellectuellement. Je ne veux pas être un chef de fil, juste exprimer des idées, faire passer des messages qui me semblent justes.
Qu’est-ce que tu réponds à ceux qui disent que le rap appartient à la rue?
Je ne leur réponds rien. Booba, qu’est-ce qu’il a à voir avec la rue quand il exhibe des liasses, des caisses et des putes…? La rue, c’est mon père qui sort les poubelles des bourges et ma mère qui élève leurs enfants alors qu’elle vit sans électricité… Alors le rap, sa fierté testostéroneuse, ses clichés capitalistes et son bling bling, je leur pisse au cul.
J’aime bien.
Est-ce que tu pourrais me faire le portrait robot de ton auditeur…
Un enfant, une vieille, un mélomane, une midinette, un métalleux… J’aime savoir que des gens différents m’écoutent.
Toi, ce serait plutot rap poétique et rap conscient…
Comment tu juges le rap actuel, disons, celui qu’on donne à bouffer au gens, celui qui innonde les ondes?
Le « rap » pour moi est devenu une variétoche et est déjà has been. Les derniers albums de Booba ou de Soprano qui regorgent de Vocoder sont des ersatz de disques de dance. C’est juste pathétique. Le rap existe, mais il n’est pas représenté dans les charts et sur les ondes… C’est peut-être ça le destin d’une musique contestataire, il faut qu’elle reste underground pour être créative, sinon, elle meurt, asphyxiée par les directives des maisons de disques… Je n’écoute quasiment plus de rap…
D’ailleurs, juste par curiosité, est-ce que t’écoute du rap hardcore ou du rap de tess ou du new school cainri?
Aucunement… J’essaie mais une fois qu’on a entendu le gars qui sort le premier son qui tue dans un style, c’est bon, on a fait le tour… J’aime bien certains rappeurs comme Médine ou Youssoupha mais plus pour leur maîtrise textuelle que pour l’aggressivité. J’aime les démarches artistiques justifiées.
Est-ce que tu crois pas que Richard Galliano c’est un tueur à gage et qu’ils nous monte tous en l’air?
Tu l’as déjà rencontré?
Je n’ai jamais rencontré le bonhomme mais c’est un énorme musicien. Que dire??? TUEUR A GAGE!
Est-ce que t’as eu des modèles qui t’ont inspiré?
AKH, Jacques Brel, Brassens… C’est sûr…
Tes influences? (Pour le rap, j’ai l’impression que t’aime bien Akenaton et Eminem…)
Ouais!!! I am, Eminem, Cypress Hill, Beastie Boys, Wu Tang, Charles Aznavour, Brel, Brassens, Piaf, Ferré, Portishead, Björk, Sufjan Stevens, Arcade Fire, Pink Floyd, Led Zeppelin, Nirvana, Rage Against The Machine, Otis Redding, Aretha Franklyn, Ray Charles… Et j’en passe!
T’as le choix, tu nous conseilles un skeud?
« Illinoise » de Sufjan Stevens.
Un livre?
« Tristes tropiques » de Claude Lévi-Strauss.
Une bédé?
« Le sursis » de Jean-Pierre Gibrat (scénariste et dessinateur).
Un film?
« Edouard aux mains d’argent » de Tim Burton.
Okay.
Tes projets?
Eh ben, je bosse déjà sur le prochain album pour lequel je voyage autour du monde pour enregistrer des musiciens traditionnels. Je rencontre des gens, je témoigne de leurs vies, de leurs opinions. Ce sera l’occaz d’avoir un carnet de voyage illustré avec des dessins, des poèmes, des photos, et un documentaire sur internet en plus de la sortie du disque.
Je suis aussi sur la tournée de mon spectacle pour enfants, Syrano contre le Grand Zappeur, et j’écris le prochain.
Franchement, ça tue…
Et en octobre 2011, je sors un livre pour enfants, basé sur une des chansons de mon premier album, Monsieur Neige.
Ton actu?
La tournée et la promo de l’album sorti le 8 novembre 2010, « À la fin de l’envoi »…
Une dédicace?
La face B dans ta face A!
Une petite dernière qui m’intrigue…
Pourquoi tu rappes en anglais? Si t’as un message de lutte, comment le peuple français pourrait capter ?
Est-ce que tu vises l’international?
La lutte n’est pas une question française. C’est une question de tous temps et de toutes cultures. Je rappe et chante en anglais. Dans mon prochain disque,
il y aura du tchèque, de l’italien et du malgache et il y avait du portugais dans le premier…
C’est pour la musicalité des langues et les styles qu’on peut aborder autrement qu’en français, que je fais ça, autant que pour me faire comprendre.
D’ailleurs je tourne déjà en Allemagne, au Brésil et en Chine… Donc oui, je vise l’international.
Une dernière dernière!
Vous etes 6 dans ta fratrie… Est-ce que y’en a qui font aussi de la musique? T’es l’aîné… alors j’me dis que forcément tu les influencent…
Eh ben y’en a une qui chante très bien mais toutes on plus ou moins participé à des chansons… En faisant des choeurs etc…
Mais être l’aîné est une sorte de responsabilité. Quand c’est la merde, c’est toi qui dois sauver la baraque et bosser pour huiler le moteur. Il m’est arrivé de ne pas manger pour qu’elles le puissent. Donc ça crée des relations soudées et particulières… Mes soeurs, c’est ma seule famille. Je dois les influencer mais elles suivent leurs routes. C’est très bien comme ça. Par contre oui, le besoin d’exemplarité vient sûrement de ça.
La familia, si.
Est-ce que t’es capable de nous lacher 2, 3 bonnes rimes en impro façon toi pour conclure?
Putain, j’ai une tendinite, je tape à l’ordinateur à la vitesse de Gandhi
Altermutant anti-mythe, si tu me lis, tu bouffes une amanite.
Pas de fond pour ces rimes d’alchimistes. Devant la sère-mi,
Je n’improvise pas, car dans ce monde ce n’est pas permis.
Cimer Syrano.
¡ Hasta luego !
Entrevue réalisée par Zé Riu et mise en page par DrJay pour altermutants.fr
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